Quotidien Al-Ahram al-massa’i
19 décembre 2009
Le Directeur du CEDEJ : La décision de fermer la documentation du centre provient du gouvernement français
Le Directeur du CEDEJ : « Je refuse toute recherche qui n’est pas au service de la mondialisation et du partenariat méditerranéen ».
Le quotidien du soir Al-Ahram al-misai du mercredi dernier 16 décembre a publié un rapport sur la décision du gouvernement français de fermer la documentation du Centre français d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales (CEDEJ) dont le siège est au centre ville du Caire. Le rapport contenait les opinions de deux des plus grands chercheurs dans le domaine de l’histoire en Égypte à savoir : Dr. Nelly Hanna et Dr. Muhammad Affifi.
Nous continuons, dans ce numéro, par une interview avec Prof. Marc Lavergne, directeur du CEDEJ et premier responsable de l’exécution de la décision du gouvernement français concernant la fermeture de la documentation du centre.
Dans son commentaire sur le rapport publié mercredi dernier, Prof. Marc Lavergne a souligné que ce dernier a été fondé sur les opinions de deux personnes qu’il ne connaît pas ou plutôt dont il ne connaît pas les rapports avec le CEDEJ. Il désignait Dr. Nelly Hanna et Dr. Muhammad Affifi, mais il a ajouté, au cours de son interview, que lui aussi, comme toute autre personne, qui a eu des rapports au cours des années avec le CEDEJ, est triste pour la fermeture de la documentation ou pour « sa mort », mais c’est la vie.
M Lavergne dit : « je dois confirmer, pour commencer, que le directeur du CEDEJ n’a pas l’autorité ou le pouvoir de prendre la décision de fermer ou de continuer, mais c’est la décision des autorités françaises représentées par le ministère des Affaires étrangères et le Centre national de recherche scientifique (CNRS). Ce sont ces deux institutions qui dirigent et financent le CEDEJ. Et moi, je me soumets aux décisions qui ont été, effectivement, prises. Ces décisions peuvent être douloureuses, mais les autorités estiment qu’elles sont au profit du CEDEJ ».
M Lavergne a ajouté : « Ce n’est pas moi qui a annoncé la décision de la fermeture, mais c’est l’Ambassadeur de France en Égypte qui l’a annoncée, une fois que les autorités françaises l’ont prise. Ce qui a été publié à propos de la fermeture de la documentation à la fin de cette année, n’est pas exact. Nous nous engageons, conformément à la loi égyptienne vis-à-vis des employés, à un préavis de trois mois. Ainsi, la fermeture n’aura lieu qu’à la fin du mois de mars prochain ».
Question : Pourquoi la décision de la fermeture de la documentation a-t-elle été prise ?
La décision de la fermeture de la documentation a été prise pour que le budget du centre retrouve son équilibre, car la documentation constitue une grosse charge financière, ce centre qui a été élaboré pour servir la recherche et la documentation. Le projet de la documentation était très ambitieux, mais avec le temps il s’est transformé en une grosse charge.
Question : Comment la documentation s’est transformée en une grosse charge ?
Avec le temps, l’archivage est devenu notre but et non pas la recherche. Nous avons essayé de trouver de nouveaux outils pour développer le système d’archivage en ayant recours à la numérisation, mais avec la pratique, durant plusieurs années, il s’est avéré que ces systèmes sont inefficaces. Donc, nous avons dû choisir entre le fait de continuer l’archivage, pour en arriver à la fermeture totale du centre, ou l’arrêter au profit de la recherche. Nous avons choisi la deuxième option.
Question : Alors, pourquoi la documentation fermera ses portes puisque c’est uniquement le système d’archivage, sous sa forme actuelle, qui constitue une charge financière et administrative ?
Beaucoup de problèmes se sont posés au niveau de la bibliothèque. Il n’y a pas plus de place pour ranger les livres. Effectivement, nous avons pensé à un nouvel emplacement avec le déplacement du centre. Il paraît que cette démarche n’est pas possible tout de suite. Actuellement, nous concentrons nos efforts sur la reconstruction de nos moyens disponibles pour offrir de meilleurs services à nos chercheurs suivant les nouveaux programmes de recherche.
Question : Quels sont donc ces nouveaux programmes ?
Nos programmes concernent des sociétés d’une façon plus large et émanent des principales grandes questions : la mondialisation et ses défis, la partenariat euro méditerranéen et l’Union pour la Méditerranée dont l’Égypte et la France sont membres. Nos moyens seront consacrés au service de ces programmes de recherche à travers desquels le centre pourra recevoir des financements de la part des institutions dont l’intérêt est de collaborer avec nos chercheurs.
Question : Et en ce qui concerne les chercheurs égyptiens ?
En vérité, vos questions font allusion à de nombreuses accusations. Je me demande qui vous a poussé à écrire sur le sujet de cette façon mais je vous confirme que la documentation du CEDEJ a servi, durant des années, la recherche en Égypte et elle continuera son rôle.
Question : Excusez-moi, comment va-t-elle continuer son rôle avec la décision de sa fermeture ?
Nous avons des problèmes que nous devons confronter tels que le système de magasinage des ouvrages et leur reclassification, une telle démarche a été reportée pour des années. Nous n’avons plus de place pour ranger notre fonds de livres sans parler des nouvelles acquisitions. Vous devez prendre en considération que notre bibliothèque contient 40000 ouvrages dont les deux tiers sont en langue arabe. Donc, nous n’avons pas à discuter ce que cette documentation a rendu et va rendre aux chercheurs égyptiens.
Question : Cela voudrait-il dire que la Bibliothèque pourrait reprendre ses activités ?
Cela est juste un espoir. Le chercheur que je suis n’est pas réconforté par la perspective de fermer une bibliothèque. Cela ne veut pas pour autant dire que je puisse promettre ou donner des affirmations sérieuses. C’est juste un espoir.
Il poursuit "Je regrette pour les jeunes chercheurs, mais je n’en vois pas et je ne peux avoir de l’empathie pour des gens que je ne connais pas. Vous insistez à adresser de fausses accusations au CEDEJ et à la France. Vous insistez sur le fait que la France a une obligation qu’elle ne remplit pas, qu’elle ne mérite pas que le citoyen comprenne son action. Là, vous portez atteinte à l’image du CEDEJ. On est comme ça ; on oublie que le citoyen français qui paye des impôts souffre ; il ne devrait pas payer pour des projets de recherche qui ne profitent pas à la France. La France ne met pas fin à son action scientifique ; simplement, il y a une réorganisation, un autre regard, une autre manière d’utiliser les ressources, pour en faire profiter les milieux académiques en Égypte et en France et les autres pays dont les chercheurs s’intéressent aux mêmes sujets.
Question : Y a-t-il eu des démarches pour empêcher la fermeture de la Bibliothèque ?
Évidemment. Avant de prendre cette décision nous avons examiné plusieurs alternatives. Je ne suis pas venu ici et interrompu mes projets de recherche pour fermer le CEDEJ et sa Bibliothèque. Mais, comme je l’ai dit auparavant, pour réaffecter les ressources du CEDEJ pour les propres intérêts de l’institution et du monde académique. La poursuite des travaux de documentation sous sa forme actuelle épuise les ressources, surtout avec l’augmentation du nombre de journaux en Égypte et la vitalité de leur contenu, les nouveaux médias, les blogs, facebook. Comment ignorer tout ça.
Question : Si la décision est ferme, pourquoi avoir signé une convention avec les Néerlandais, pour leurs étudiants, et pourquoi les nouveaux ouvrages ?
Vous revenez à nouveau aux questions de détails : ça c’est la cuisine ; l’important c’est ce qu’on sert à table.
Question : Mais il y a un rapport entre ce qu’on cuisine et ce qu’on sert, non ?
Après quelques instants de réflexion : "La Bibliothèque ne fermera pas demain et la convention est valable pour la période d’ouverture. Jusqu’au printemps probablement. Quant aux commandes d’ouvrages, elles ont été faites par une personne non responsable et dont ce ne sont pas les attributions. C’était il y a un an et on ne les a pas encore reçus.
Question : Que vont devenir les livres et les dossiers de presse ?
La Bibliothèque n’est pas assez connue. Et n’est pas utilisée comme elle le mérite. Il est trop tôt pour parler de la forme qu’elle aura. Je veux rassurer vos lecteurs ; on ne va pas se débarrasser des livres et des dossiers de presse. On va les valoriser et les rendre accessibles à plus de monde. Dès qu’on aura trouvé la bonne formule. Il s’agit maintenant de s’interroger sur ce qu’on peut faire en termes de bourses et de stages pour les étudiants égyptiens du cycle supérieur. C’est un rôle important que le centre cherche à remplir.